vendredi 26 avril 2013

PASCAL ET MONTAIGNE

Pascal a beaucoup utilisé les Essais de Montaigne, qui cependant, lui était antipathique par certains côtés. Comparons les deux écrivains et disons ce qui plaisait à l'auteur des Pensées et ce qui le choquait dans l'ouvrage de Montaigne.

Pascal avait beaucoup fréquenté Montaigne : on retrouve des réminiscences et des citations des Essais à chaque page des Pensées. Et cependant il était agacé par sa manie de toujours parler de lui : Le sot projet qu'il a eu de se peindre ! Mais il voyait avec joie dans cet auteur la raison si invinciblement froissée par ses propres armes et il n'était pas loin d'aimer le ministre d'une si grande vengeance. Il nous a dit, d'ailleurs, ce qu'il pensait de Montaigne, dans l'entretien avec M. de Saci.

I. Comparaison entre Montaigne et Pascal.
On ne peut imaginer deux écrivains plus dissemblables, Montaigne, épicurien de tempérament et de tendances, aime surtout ses aises et cherche son plaisir. Il nous dit, cent fois qu'en composant son ouvrage il n'a eu d'autre but que sa satisfaction propre... Pascal a l'égoïsme en horreur, il est apôtre, il veut convertir les âmes qu'il souffre de voir dans l'erreur ou l'indifférence... La religion pour Montaigne est surtout une question de tradition et de paix sociale ; il la pratique, mais avec tiédeur et ne s'en inspire guère dans sa conduite morale et dans ses jugements ; il lit plus Sénèque et Amyot que l'Evangile. Pascal est un ascète, il pratique un christianisme austère et héroïque... Montaigne se repose dans le scepticisme comme sur un mol oreiller. Pascal ne comprend pas qu'on puisse rester dans le doute et s'il aime à humilier la raison, c'est pour nous jeter plus sûrement dans les bras de l'Eglise, il a soif de vérité et de certitude.

II. On voit ce qui lui plaisait et ce qui le choquait dans les "Essais".
1) Ce qui lui plaisait : c'était le tableau qu'il y trouvait des misères et de l'impuissance de l'homme sans la grâce. Il leur emprunte à peu près tout ce qu'il dit de toutes les causes qui nous condamnent à l'erreur : l'imagination, les passions, les maladies, l'intérêt, notre propre cœur et la raison elle-même ployable en tout sens. Il aime voir si vivement et si finement représentées les faiblesses humaines, dont il souffre lui-même. "Ce n'est pas dans Montaigne, c'est dans moi que je trouve tout ce que j'y vois."
2) Ce qui le choquait, c'était le ton même qu'affectait Montaigne qui voit dans nos misères un sujet de divertissement et s'y complaît. Les mêmes constatations prennent chez lui un accent tout différent, et tragique... C'est que Montaigne n'a voulu voir qu'un côté des choses et qu'il se refuse à connaître ce qui fait la grandeur de l'homme, qu'avait si bien comprise Epictète... C'est la conclusion lâche et paresseuse qu'il tire, que nous ne devons pas nous tourmenter pour ce qui nous dépasse et ne pas chercher une vérité qui nous échappe... Enfin c'est sa molle complaisance pour les vices des hommes qu'il semble encourager et qui le rend extrêmement dangereux pour ceux qui ont quelque pente à l'impiété et aux vices.

Montaigne a pu être considéré comme le bréviaire des libertins... Pascal, au contraire, nous conduit à Dieu... Mais l'un et l'autre intéressent tous les hommes, sans distinction d'opinion, parce qu'ils sont humains et vrais. Dans les Essais comme dans les Pensées, on sent l'homme, et non l'auteur. On est étonné et ravi. Mais Pascal nous élève vers les sommets, il est sublime. Avec Montaigne, nous restons sur terre.

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