dimanche 3 mars 2013

MOLIÈRE ET LA FONTAINE


Molière et La Fontaine, peintres de l'homme et de la société.

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"Molière et La Fontaine, dit Sainte-Beuve, on ne les sépare pas, on les aime ensemble." Ce sont, en effet, deux génies de la même famille, tempéraments gaulois, observateurs pénétrants ; ils nous ont laissé de la société du XVIIe siècle et de l'humanité en général des peintures qu'il sera sans doute intéressant de comparer. 

I. La société.
La Fontaine se sert d'animaux pour peindre les hommes... Plus libre dans ses satires, il touche à plus de choses. Il peut n'épargner ni le roi, ni les grands, ni même les institutions, il n'approfondit pas et ne fait pas de graves blessures. Qui s'offenserait d'une fable ?... Molière doit être plus circonspect. Les grands sujets lui sont interdits (scandale du Tartuffe). Il doit flatter le roi et ne peut censurer, chez les courtisans, que leurs travers et leurs manies (réformateur des grands canons, législateur des bienséances).
1. Les grands... Chez La Fontaine : intéressés, fourbes, flatteurs, mangeurs de gens (le lion, le renard, l'ours, le loup). Chez Molière ils ne sont représentés que par don Juan, le grand seigneur méchant homme, le Dorante du Bourgeois gentilhomme et les marquis, poupées ridicules, mais inoffensives.
2. Les bourgeois... Même note chez tous les deux : prétentions sottes, manie des grandeurs.
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, I,3.
Se croire un personnage est fort commun en France, VIII, 15.
3. Le clergé, les moines... intéressés, peu charitables, chez La Fontaine... Rien chez Molière, qui se revanche sur les médecins dont La Fontaine ne dit qu'un mot.
4. Le peuple, représenté chez Molière par les servantes et les paysans, matois et grossiers, dont le jargon fait rire... La Fontaine compatit aux misères des petits, aux injustices dont ils souffrent (II 4, VII 1, I 16.)

Point de pain quelquefois et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts, 
Le créancier et la corvée
Lui font d'un malheureux la peinture achevée.

II. L'homme.
1. Quant au jugement qu'ils portent sur l'humanité, il est à peu près le même : pour tous deux, l'homme est un être essentiellement faible et médiocre, sot et méchant, naturellement fourbe, intéressé, menteur.
2. Ni l'un ni l'autre ne s'en indignent (sauf contre les pédants et les hypocrites). Il faut prendre les hommes comme ils sont, rire de leurs sottises en tâchant de ne pas en souffrir. Cependant il y a de l'amertume dans le rire de Molière.
3. La Fontaine est un peu plus optimiste, sa vie a été moins dure, il a connu et chanté l'amitié et reconnaît aux hommes quelques qualités (Le lion et le rat... La colombe et la fourmi).
On voit combien ces deux écrivains diffèrent des moralistes de leur temps, d'inspiration chrétienne et même janséniste, qui ne nous font pas de l'homme et de la société un tableau plus flatté, mais n'en prennent pas si facilement leur parti.

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